Les établissements scolaires représentent une véritable spécificité en termes de conception et de chantier. Quels en sont les enjeux ? Quels sont les facteurs à prendre en compte ? Et comment garantir une certaine pérennité ?  Mathilde Faugier, architecte au sein d’ALU ADA, nous fait part de son expérience.

1 – Mathilde Faugier, une architecte de terrain

Mathilde Faugier, architecte depuis 23 ans, a intégré l’agence en 2001, après l’obtention de son diplôme. Il y a 20 ans, la société avait des pratiques bien différentes de celles que l’on connaît aujourd’hui : « Beaucoup de choses étaient grattées à la main et je les accompagnais pour intégrer l’informatique dans l’entreprise. Bien sûr, la pratique a évolué et l’agence a beaucoup changé ». Après le départ de l’un des associés, l’augmentation du nombre de collaborateurs et la réunification avec Alu, l’agence est passée à une tout autre échelle.

Faire à la fois de la conception et du chantier est tout à fait ce qui correspond à l’idée que Mathilde se fait de ce métier. Devenir architecte n’avait pas pour but de rester derrière un écran, mais bien de connaître l’aspect concret de ses dessins : « Voir ce qu’on a imaginé et conçu de manière théorique être réalisé et utilisé par les usagers, c’est tout à fait à ce que je m’imaginais de la pratique du métier ».

2 – Architecture scolaire, l’équilibre entre fonctionnalité et bien-être

Un chantier qui prend en compte les intérêts de chacun

L’aspect formel de l’architecture est essentiel, mais le ressenti et le vécu des futurs utilisateurs sont tout aussi importants, et même plus difficiles à percevoir. L’expérience des chantiers est un moment clé quand il s’agit de savoir si nous répondons correctement aux attentes des clients, ou même si on est capable d’aller au-delà de ce qu’ils espéraient.

Les établissements scolaires, quant à eux, sont très spécifiques : « Ce sont des bâtiments qui rassemblent des gens très différents : le personnel administratif d’une part, le personnel territorial qui s’occupe de la maintenance d’autre part, auxquels s’ajoute la communauté des professeurs, les élèves, mais aussi les parents d’élèves ». L’objectif majeur est de prendre en compte les intérêts de chacun et de créer un cadre dans lequel les besoins convergent de manière harmonieuse. L’intérêt est que l’établissement fonctionne au mieux par la suite, au-delà de l’aspect esthétique des choses.

Créer un espace de vie agréable

Quand le bâtiment répond aux usages, la vie de chacun y est nettement simplifiée, et cette règle s’applique notamment aux endroits sans recoins cachés. En effet, les espaces fluides et ouverts sont privilégiés : « Il est arrivé, lors des travaux, que le proviseur me demande si l’on peut en profiter pour supprimer des renfoncements dans lesquels des élèves se font agresser ». Dans les espaces communs et de circulation, il est fondamental de créer des zones ouvertes où la vision est le plus large possible. En termes de sécurité, faire des cloisons toute hauteur dans les sanitaires pour préserver l’intimité et éviter le harcèlement est également devenu un geste indispensable. Ce genre de problématique est aussi rencontrée dans les établissements où les bâtiments sont séparés : « On a restructuré complètement un bâtiment de SEGPA (Section d’enseignement général et professionnel adapté) qui tournait le dos aux autres bâtiments et qui, de fait, isolaient les élèves de SEGPA. Après notre intervention, le bâtiment donnait directement sur la cour principale, et cela a changé la vie des élèves ».

C’est lors de la participation à des concours que la marge de manœuvre est la plus grande. Cela permet de répondre à des problématiques qui ont été identifiées au préalable par le maître d’ouvrage : « Si le programme le permet, on va parfois un peu plus loin et on s’appuie sur notre expérience et sur notre vécu. Le but est de répondre de la manière la plus juste possible ».

Pour un collège de l’Essonne, l’agence a pu réaliser il y a quelques années des bâtiments et un programme complémentaire comprenant une salle de théâtre et une autre de sport, permettant de proposer aux élèves des activités après les cours. Cette démarche, initiée par une équipe éducative soudée, est un réel moyen d’accompagner les élèves.

Bien souvent, plus l’établissement est agréable à vivre, plus les occupants ont plaisir à y être et sont attentifs à son état général.

3 – Adapter le parti architectural pour garantir la pérennité des collèges et lycées

Des zones plus sensibles que d’autres

En termes de pérennité des bâtiments, certaines parties vieillissent plus vite que d’autres, notamment les sanitaires ou il vaut mieux privilégier le simple et l’efficace. Pour cela, on utilise des matériaux qui s’entretiennent facilement. Cependant, des élèves s’obstinent parfois à dégrader de façon volontaire : « Les sanitaires sont la zone la plus sensible car la surveillance y est limitée.

Pour les espaces extérieurs, la réglementation demande de limiter l’imperméabilisation des sols, mais les espaces plantés demandent beaucoup d’entretien et il faut donc veiller à en mettre seulement aux bons endroits.

De retour sur les sites après réception, on se rend rapidement compte que l’usure est généralement liée à l’eau, le moindre défaut sur une bavette devient visible en quelques mois. Par ailleurs, pour les espaces couverts qui ne sont pas balayés par la pluie, les sols rugueux sont à éviter, car les impuretés ont tendance à s’y incruster.

Le stationnement des professeurs et du personnel administratif est également un sujet très sensible. Il faut veiller à ce que les voitures soient isolées pour éviter les dégradations éventuelles ».

De nouveaux projets d’extension en sites occupés

L’agence est en charge du projet d’extension du lycée LES PIERRES VIVES à Carrières Sur Seine, visant à passer l’établissement de 1500 à 1800 élèves. Pour les nouveaux bâtiments, nous avons choisi des prémurs en béton blanc qui permettent de raccourcir la durée globale du chantier avec un aspect fini immédiat. Ce type de chantier implique un suivi au plus près afin de respecter les délais et les phases successives des travaux. On livre une zone avant de démarrer les travaux dans une autre, en veillant à garantir la sécurité des usagers et le bon fonctionnement de l’établissement.

Notre ambition est de rester sur une architecture relativement intemporelle, avec des éléments simples et harmonieux, qui résistent à un usage intensif. Notre bonne réputation auprès des maîtres d’ouvrage public repose notamment sur notre capacité à répondre aux problématiques et à construire des bâtiments très fonctionnels qui vieillissent bien.

« Les bâtiments rassemblent différentes communautés, mais nous sommes à la fois protecteurs et ouverts pour permettre aux élèves de se développer et de grandir. On ne construit pas pour nous, on construit pour les autres, on est au service de ceux qui vont y vivre ».